Depuis le 16e siècle, sous l’impulsion du développement de l’imprimerie, les caricatures (feuilles volantes) accompagnent les tensions politiques et sociales. Souvent limitées par la censure, ces images recourent à une rhétorique de l’outrance et de la métaphore, convoquent le rire au dépend d’un adversaire. L’Allemagne, la Hollande puis l’Angleterre de la seconde moitié du 18e siècle connaissent une intense diffusion de ces images, parfois tolérées sinon encouragées par les autorités. Ce n’est bien sûr pas le cas en France jusqu’à l’éclatement de la Révolution de 1789.
L’Angleterre du 18e siècle connaît un régime de liberté d’expression, qui permet à la caricature de vivre alors un véritable âge d’or et tout en ciblant les autorités, monarques compris. Ce sont en fait différentes fractions des élites politiques qui s’emparent de la caricature pour étriller leurs adversaires. Quelques dessinateurs s’imposent alors : William Dent, William Holland, James Gillray, Thomas Rowlandson, Richard Newton, Isaac et Georges Cruikshank. A la fin du 18e siècle, divers événements vont tendre les relations entre la France et l’Angleterre, entraînant une multiplication de caricatures antifrançaises : la Révolution de 1789 d’abord perçue comme diabolique et sanguinaire, puis la guerre en mai 1803. Pendant plusieurs années, avant et surtout après son sacre, Bonaparte (Napoléon Ier) fait l’objet d’un criblage caricatural intense. Au-delà du contexte historique qu’elles commentent, ces images, qui rayonnent alors sur toute l’Europe, véhiculent surtout une grammaire visuelle et des stéréotypes qui ont profondément marqué l’Histoire de la caricature mondiale, et dont hérite encore largement la caricature actuelle.
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Napoléon vu par la caricature anglaise
Depuis le 16e siècle, sous l’impulsion du développement de l’imprimerie, les caricatures (feuilles volantes) accompagnent les tensions politiques et sociales. Souvent limitées par la censure, ces images recourent à une rhétorique de l’outrance et de la métaphore, convoquent le rire au dépend d’un adversaire. L’Allemagne, la Hollande puis l’Angleterre de la seconde moitié du 18e siècle connaissent une intense diffusion de ces images, parfois tolérées sinon encouragées par les autorités. Ce n’est bien sûr par le cas en France jusqu’à l’éclatement de la Révolution de 1789.
L’Angleterre du 18e siècle connaît un régime de liberté d’expression, qui permet à la caricature de vivre alors un véritable âge d’or et tout en ciblant les autorités, monarques compris. Ce sont en fait différentes fractions des élites politiques qui s’emparent de la caricature pour étriller leurs adversaires. Quelques dessinateurs s’imposent alors : William Dent, William Holland, James Gillray, Thomas Rowlandson, Richard Newton, Isaac et Georges Cruikshank.
A la fin du 18e siècle, divers événements vont tendre les relations entre la France et l’Angleterre, entraînant une multiplication de caricatures antifrançaises : la Révolution de 1789 d’abord perçue comme diabolique et sanguinaire, puis la guerre en mai 1803. Pendant plusieurs années, avant et surtout après son sacre, Bonaparte (Napoléon Ier) fait l’objet d’un criblage caricatural intense. Au-delà du contexte historique qu’elles commentent, ces images, qui rayonnent alors sur toute l’Europe, véhiculent surtout une grammaire visuelle et des stéréotypes qui ont profondément marqué l’Histoire de la caricature mondiale, et dont hérite encore largement la caricature actuelle.
Dans l’Angleterre du 18e siècle, sous l’impulsion de lois favorables à l’expression publique du discours politiques, les caricatures se multiplient. Elles sont le fait de dessinateurs et d’éditeurs ayant pignon sur rue, à Londres principalement. Les gravures sont alors affichées en devanture d’échoppes, offrant la possibilité à la population de la ville de déguster ces images sans devoir les acheter. La caricature reste bien sûr l’apanage de la moyenne bourgeoisie, les gravures étant coûteuses et collectionnées par des membres de l’élite. Elles frappent les visiteurs étrangers, qui ne manquent pas de souligner le talent des dessinateurs et parfois leur grande virulence.
La Révolution française de 1789 heurte les élites anglaises. Alors que les dessinateurs s’intéressaient jusque-là principalement aux affaires intérieures du pays, l’irruption révolutionnaire, l’instauration d’un régime républicain puis la chute de la royauté deviennent un sujet majeur des caricatures. On assiste alors à une radicalisation du ton des images, bien plus violentes à l’égard des révolutionnaires français qu’elles ne l’avaient été jusque-là à l’égard des autorités anglaises. Si la caricature adopte le ton de la raillerie pour commenter la vie politique nationale, elle se fait toujours plus agressive à l’égard des nations étrangères. Le sans-culotte concentre sur lui la haine anti-française, jusqu’à l’imaginer en anthropophage sanguinaire…
Né le 15 août 1769, général puis Premier Consul à partir de 1799, Bonaparte émerge dans la caricature anglaise à la fin des années 1790, c'est-à-dire dans un contexte moins tendu, les premières années de la Révolution s’éloignant. Les premiers pas d’un dirigeant politique dans la caricature, a fortiori étrangère, sont synonymes de tâtonnements pour les dessinateurs. Difficulté à atteindre la ressemblance, à faire connaître le visage du souverain à un public qui ne le connaît alors que sous forme de descriptions textuelles ; difficulté à trouver l’angle d’attaque qui permettra de faire mouche, de caractériser l’individu par une attitude signifiante ou des attributs caractéristiques. Dans un premier temps, les traits du visage et la tenue vestimentaire ne sont pas fixés. L’homme peut être identifié par l’écriture de son nom en légende, ou un élément qui rappelle la France, ou encore sa fonction politique. Les dessinateurs insistent biens sûr sur les revers militaires du Consul.
Le Traité d’Amiens signé entre la France et l’Angleterre en 1802 calme l’ardeur des caricaturistes. Mais la politique économique et la diplomatie agressive de Bonaparte hérisse Les annexions française hérissent l’Angleterre, qui saisit les navires français et hollandais le 17 mai 1803 sans même avoir déclaré la guerre à la France. De son côté, Bonaparte fait arrêter les sujets britanniques résidant en France et dans la République italienne. Quelques jours plus tard, le 23 mai, le Royaume-Uni déclare officiellement la guerre à la France. La peur d’une invasion française s’impose alors. Et c’est surtout à partir de cette date que la caricature anglaise va multiplier ses attaques. Si la caricature commente l’actualité la plus brûlante et donc la mieux connue du public, elle se fait aussi vengeresse, et peut donc se faire l’auxiliaire des belligérants.
Bonaparte représente la France et affronte l’Angleterre, souvent incarnée par l’allégorie masculine John Bull, un bourgeois grassouillet parfois accompagné d’un bulldog. La caricature appuie en effet sa rhétorique sur la métaphore corporelle et confronte les individus, recourant souvent à un langage symbolique. Il s’agit le plus souvent d’opposer deux termes, le bien et le mal, le beau et le laid, le fort et le faible, le grand et le petit. Les dessinateurs invitent le lecteur à rire aux dépends de l’adversaire, tout en s’identifiant à un héros, qui peut être une allégorie nationale (Marianne pour la France, Oncle Sam pour les USA, Germania ou Michel pour l’Allemagne) ou une personnalité adulée. Dans la caricature anglaise, le meilleur rempart contre Napoléon ne peut-être que John Bull.
Si jusque-là Bonaparte était figuré à la taille de ses adversaires, la radicalisation induite par la guerre à partir de 1803 se traduit par un changement radical dans l’incarnation de l’adversaire. C’est le dessinateur Gillray qui se montre le plus audacieux dans cette métamorphose du français, en lui imposant, dès janvier 1803, une nanisation corporelle dégradante qui va largement s’imposer avec la guerre. Petit, Napoléon n’est pas seulement ridicule. Le voilà également impuissant, incapable, infantilisé, prêt à être dévoré ou écrasé par ses adversaires. Le jeu sur la taille vise bien sûr à blesser la cible, à l’atteindre dans son honneur, dans sa virilité. Il faut dire que, comparé au mètre quatre vingt treize de Louis XVI, avec un mètre 68, Bonaparte pouvait sembler petit. La nanisation caricaturale procède de l’iconographie religieuse, qui, pendant très longtemps a figuré les humains systématiquement plus petits que la divinité. Dans les imaginaires, la grandeur est associée à la divinité, la petitesse à l’humaine fragilité.
La caricature cherche à caractériser les individus dans le but de les rendre reconnaissables et plus encore pour donner du sens à la charge. Ainsi, chez le général Napoléon la tenue vestimentaire prend un sens bien particulier. Chez celui à qui l’on reproche des tendances à la tyrannie, l’uniforme militaire doit souligner l’autoritarisme et l’avidité de pouvoir. En rétrécissant le Consul, les dessinateurs surdimensionnent son bicorne. Napoléon n’en paraît que plus petit, tandis que l’imposant couvre chef additionné d’un très visible plumet tricolore, permet non seulement d’identifier à coup sûr le français, mais encore d’accentuer son aspect ridicule.
Dans sa gravure intitulée « German Nonchalence », la nanisation s’accompagne d’un surnom de circonstance : « Little Boney ». Non content de réduire la taille de Bonaparte par rapport à celle des soldats qui l’entourent, le dessinateur affuble le Consul d’un sobriquet qui fait mouche : Boney, diminutif de Bonaparte, signifie « osseux » en Anglais, c'est-à-dire mal en point. Dans cette caricature, Bonaparte se présente lui-même comme « Little Boney », ce qui rajoute évidemment au comique et à la dérision. D’autres termes permettent de désigner Napoléon sans le nommer, et notamment le qualificatif « corsican », qui évoquent ses origines Corses. Surnommer une cible et systématiser le surnom permet de désacraliser l’individu visé. Il devient aussi familier au lecteur, et donc aussi peu impressionnant, qu’une personne de son propre entourage dont on peut à loisir se moquer.
La caricature s’emploie à dénigrer sa cible. Outre le travail sur la corporéité de Napoléon, la personnalité et les humeurs de l’homme ne sont pas épargnées. La violence illégitime lui est systématiquement associée : volonté de puissance, annexion de régions entières, héritage révolutionnaire, pour la caricature anglaise, c’est le sang, la brutalité, les colères, la débauche et l’excès qui caractérisent l’ennemi français, aux antipodes du flegme anglais et de la confiance affichée par les caricaturistes dans les forces de leur propre pays. Ces caricatures sont principalement destinées au public anglais, elles on pour vocation à renforcer la haine du lecteur envers Napoléon.
La caricature convoque deux types de sentiments contradictoires chez les lecteurs : la supériorité et la crainte. En diabolisant Napoléon, en suggérant sa puissance néfaste et en insistant sur les destructions dont il est responsable ou qu’il pourrait provoquer, le dessinateur effraie son public dans le but de susciter une réaction de défense. Mais la peur pourrait s’avérer contre- productive, instituant un sentiment d’impuissance. Nombre de caricatures prennent le contrepied de la monstruosité, dépeignant au contraire un Napoléon ridicule et faible ou en très mauvaise posture, que l’Angleterre, sûre d’elle-même, ne peut craindre. Diabolisation et ridiculisation, les dessinateurs recourront abondamment à cette dualité pendant la Première Guerre mondiale notamment.
Depuis ses origines, la caricature recourt au procédé de l’animalisation. Avec Napoléon, deux animaux symboliques s’imposent : le coq pour évoquer la France et l’aigle ensuite, symbole impérial. Néanmoins, la symbolique trop favorable de ces animaux contraint les dessinateurs qui lui sont hostiles à se tourner vers des espèces dépréciatives : le singe, le crocodile, le fauve, l’araignée… A chaque fois, la caricature choisit l’animal en fonction d’un double critère : la charge symbolique, mais également l’action dans laquelle va pouvoir s’illustrer (et donc se déprécier), Napoléon. Le fauve écrase et menace ses proies, l’araignée les piège dans sa toile, le singe se fait voleur… L’habileté du dessinateur consiste à attribuer à l’animal des aspects humains qui permettront d’identifier Napoléon.
C’est à la fin du 17e siècle qu’émergent les premières représentations de l’impérialisme. Un siècle plus tôt s’impose le planisphère ou la mappemonde pour représenter le monde, conçu dorénavant comme une sphère séparée en deux hémisphères. Si les concurrences commerciales, politiques et militaires sont anciennes, le début du 18e siècle voit la rivalité entre l’Angleterre et la France s’accentuer. En résulte l’idée que les deux pays chercher à se partager le monde, voir à se l’approprier. Les dessinateurs multiplient les représentations dans lesquels Napoléon et les Anglais s’affrontent sur des cartes géographiques, voire s’approprient des planisphères.
Sans enfant après plusieurs années de mariage, Napoléon divorce de Joséphine de Beauharnais en 1809. Il se marie en 1810 avec la jeune Marie-Louise d'Autriche, alliance visant à fonder une dynastie. Un enfant naît l’année suivante, relançant l’intérêt du public pour ces questions de filiation et d’intimité napoléoniennes. La caricature donne à ces événements une dimension triviale et grotesque qui permet de ridiculiser l'Empereur, la problématique de la stérilité de Napoléon justifiant certaines audaces. Par la magie du dessin, la caricature invite le public à entrer dans l’intimité supposée de Napoléon, de le surprendre dans des situations gênantes qui provoquent un rire de désacralisation.
Le procédé de la diabolisation émerge dans la caricature dès ses origines modernes au 16e siècle. Dans une société pétrie de culture chrétienne, le diable constitue souvent l’incarnation principale du mal. Les dessinateurs associent à leurs adversaires des caractères diaboliques en dernière extrémité, pour traduire une forme de détestation paroxysmique. Pour autant, il est rare que la cible soit confondue avec le diable, qui n’est par définition pas d’essence humaine. Napoléon fait partie de l’entourage du diable, il est devenu son instrument. Il peut-être également son « fils adoré », c'est-à-dire avoir hérité de ses intentions les plus viles.
En 1814 et 1815, Napoléon Ier est contraint par deux fois à l’exil, événements que ne manquent pas de restituer les caricaturistes. Sur les îles d’Elbe et de Sainte-Hélène où il vivra jusqu’à sa mort en 1821, Napoléon ne représente plus une menace. L’Empereur déchu n’est plus caractérisé par ses vociférations, son ambition démoniaque ou destructrices, il semble devenu totalement désespéré, impuissant et abandonné de tous. Avec la chute de Napoléon Ier, les dessinateurs anglais perdent un excellent sujet !